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Joséphine Baker, une vie engagée et artistique

Dernière mise à jour : 26 févr. 2023




Le 30 novembre 2021, Joséphine Freda MacDonald est la cinquième femme et la première femme noire à entrer au Panthéon sur 77 personnalités. Née au début du XXe siècle à Saint-Louis dans le Missouri, un Etat ségrégationniste américain, celle qui se renomma Joséphine Baker à ses 16 ans deviendra une star mondialement connue et une figure historique de la République française. En effet, en 1937 elle obtient la nationalité française et se positionne comme résistante aux côtés de Charles de Gaulle.


Issue d’un fort métissage, Joséphine Baker incarne une multiplicité d’origines. Sa mère, elle-même métisse, est afro-américaine et amérindienne, et son père, lui aussi métis est issu d’un colon espagnol et d’une esclave afro-américaine.


Joséphine est une artiste aux multiples facettes qui s’est battue pour différentes causes à travers ses diverses casquettes. Elle était danseuse, chanteuse et actrice, tantôt étoile du Music-hall, tantôt personnalité des Années Folles.



Etant l’ainée d’une fratrie de quatre enfants, à 13 ans, elle arrête l’école et touche un salaire en travaillant pour subvenir aux besoins de sa famille étant très pauvre. Elle se marie alors à un certain Willie Wells alors qu’elle est mineure. A 14 ans, elle commence à danser dans la rue et intègre le Jones Family Band, un trio d’artistes de rue. A ce moment-là, elle divorce de son premier mari et se marie à William Baker à l’âge de ses 15 ans. Elle danse au Standard Theater pour la maigre somme de 10 dollars la semaine.


A sa seizième année, la danseuse quitte son deuxième mari et fuit sa ville natale entretenue par la violence, l’exclusion et la pauvreté. Les personnes noires et blanches étaient séparées par la loi dans une société conservatrice. Il y avait de nombreuses émeutes et des meurtres répétés à l’encontre des personnes noires. De ce fait, l’artiste eut une enfance très difficile et partit à New York pour continuer à danser. « Un jour j’ai réalisé que j’habitais dans un pays où j’avais peur d’être noire. C’était un pays réservé aux Blancs. »



Elle tarde à s’introduire au Music-hall de Broadway après plusieurs refus de la part du directeur mais finit par rejoindre la troupe de la comédie musicale Shuffle Along qui propose un spectacle populaire joué exclusivement par des Noirs. Après deux ans de tournées, elle rejoint les Chocolate Dandies, puis rentre au Plantation Club, où elle rencontre Caroline Dudley Reagan, l’épouse de Donald J. Reagan, l’attaché commercial de l’ambassade américaine à Paris. Elle se fait remarquer par cette femme issue du milieu mondain qui la voit comme une grande danseuse. Elle propose donc de la payer 250 dollars par semaine et de la faire venir en France pour mettre en place un spectacle dont Joséphine sera la vedette. La danseuse accepte et le spectacle musical s’appellera La Revue Nègre. Celui-ci la propulsera au rang de star mondiale.



Le 15 septembre 1925, Joséphine

Baker arrive à Paris avec sa troupe et commence directement les répétitions. Le 2 octobre 1925, elle fait salle comble au théâtre des Champs-Elysées, se trouve en tête d’affiche et joue la première partie de La Revue Nègre. Pour la première fois, elle se sent libre et voit la scène accessible aux Noirs et aux Blancs. « Je me suis sentie libérée à Paris. » Elle porte des perruques rappelant les coiffures traditionnelles africaines. Elle danse le charleston, avec un simple pagne, un vêtement léger malgré des mises en scène qui caricaturent l’Afrique telle que la savane sous les roulements de tambours. Avec sa ceinture de bananes, elle invente un personnage : ‘’La Baker’’. Elle incarne La Danse sauvage, un tableau réalisé par l’artiste Paul Colin. Elle divise Paris. Certains l’admirent d’autres se renfrognent en la voyant. « Il s’agit bien ici de se moquer des Blancs et de leur manière de gérer les colonies car la France, bien que moins raciste que les États-Unis, a tout de même des progrès à faire concernant les gens de couleur et leur insertion dans la société ! »


« J’étais l’idole sauvage dont Paris avait besoin. Après quatre années de violence, j’ai symbolisé la liberté retrouvée, la découverte de l’art nègre, du jazz. J’ai représenté la liberté de me couper les cheveux, de me promener nue, d’envoyer tous les carcans au diable, y compris le corset. » Joséphine Baker représente une africanité fantasmée par son époque. Cette incarnation vise en particulier les femmes noires dont la visibilité passe dans la presse populaire. Une ambiguïté persiste durant l’Entre-deux-guerres où la France est contre la ségrégation mais possède les pires clichés racistes et sexistes au nom d’un "exotisme stéréotypé’’. L’artiste a utilisé son corps pour sortir de sa condition sociale, s’émanciper et conquérir l’espace public en se confrontant directement aux stéréotypes de l’imaginaire colonial européen. Elle dénonce les « zoos humains » qui permettent le voyeurisme de corps dénudés, l’exhibition et l’humiliation.


En 1931, on propose à Joséphine Baker d’être exposée aux vitrines du Musée ethnographique du Trocadéro en la faisant passer pour l’ambassadrice de l’Exposition coloniale. L’action de l'artiste est controversée, des surréalistes boycottent l’événement et André Breton s’y oppose avec son affiche Ne visitez pas l’Exposition Coloniale, mais la danseuse attirera 8 millions de visiteurs.

Joséphine conquerra ensuite l’Allemagne et l’Autriche malgré le racisme et la montée de l’extrême droite. Après une centaine de représentation pour La Revue Nègre, elle rompt son contrat et s’associe au théâtre des Folies Bergères. Elle danse dans la revue La Folie du jour avec le danseur sénégalais Féral Benga, jouant également du tam-tam. Aux côtés d’un guépard sur scène à effrayer le public et l’orchestre, elle porte sa ceinture de bananes et des plumes roses.


En 1927, elle commence à chanter et joue dans le film Les Sirènes des Tropiques. Son agent artistique et amant Giuseppe Abattino appelé "Pepito", fonde le club Chez Joséphine et planifie la tournée mondiale de la chanteuse l’année suivante. Les deux amants auront une idylle de dix ans entre 1926 et 1936. A ce moment-là, Joséphine est aussi la muse des cubistes et émerveille Paris pour son style, le jazz et les musiques noires.


En France, l’actrice joue quelques rôles au cinéma. Des cinéastes comme Marc Allégret lui proposent de jouer dans leurs films, parmi les premiers rôles. C’est le cas du film Zouzou, où l'actrice aux côtés de Jean Gabin, jouent deux orphelins espérant réaliser leurs rêves un jour. Aux Etats-Unis, l’actrice ne réussit pas à convaincre. On lui reproche son français et son accent francisé. L’échec de la revue Ziegfeld Follies au théâtre de Broadway, inspirée des Folies Bergères finit par une séparation avec Pepito. En rentrant en France en 1936, Joséphine obtient la nationalité française et se marie à Jean Lion un jeune courtier ayant créé sa compagnie, encore existante aujourd’hui. Etant juif, il subit des persécutions antisémites. Le couple décide donc de s’installer au château des Milandes à Castelnaud-Fayrac, une demeure que Joséphine appelle son ‘’château de la Belle au Bois dormant’’. Pourtant, elle poursuit les tournées avec le producteur Émile Audiffred sous le label Audiffred & Marouani.


Connue en tant qu’artiste, Joséphine n’a cependant pas toujours été comprise et reconnue pour ses combats. Victime elle-même de racisme, elle a lutté pour la cause des Noirs notamment avec ses spectacles de danse et en contribuant avec acharnement au mouvement de la Renaissance de Harlem, un mouvement de renouveau de la culture afro-américaine, durant la période de l’entre-deux-guerres, venant de Harlem, un quartier du nord de Manhattan à New York. Face à la ségrégation raciale et malgré l’abolition de l’esclavage en 1865, ce courant prônait l’émancipation des Noirs Américains. Des écrivains et des intellectuels tels que Alain Locke ou Marcus Garvey en faisaient partie, ainsi que des mécènes comme Arthur Schomburg, appelé le « père de l’histoire noire américaine », des photographes, des sculpteurs et des musiciens comme Louis Armstrong, Duke Ellington ou Fats Waller. Le Cotton Club et l'Apollo Theater comptaient parmi les lieux typiques du mouvement.


Suite à la Grande Dépression de 1929, une longue crise touchant l’économie mondiale survenue avec le krach boursier américain de 1929 jusqu'à la Seconde Guerre mondiale, une pluie de chômeurs déferle en France. Joséphine organise « le pot au feu des vieux », une distribution de nourriture aux personnes âgées étant dans le besoin.


Ayant porté un rôle majeur durant la Seconde Guerre mondiale, en 1943, le général de Gaulle, gracieux, la décore d’une croix de Lorraine en or qu'elle vendra aux enchères 350 000 francs au profit exclusif de la Résistance. En 1946, elle est médaillée par la Résistance française. En 1961, on la décore de la Légion d’honneur et de la croix de guerre qui distingue les personnes qu’elles soient civiles ou militaires qui ont œuvré lors de la Seconde Guerre mondiale.



Dès le début de la Seconde Guerre mondiale elle a chanté pour les soldats au front. Elle est même devenue agente de contre-espionnage pour la France en septembre 1939. Elle côtoie différents milieux, tant à la Croix Rouge elle se mobilise, tant elle fréquente la haute société parisienne. Suite à la bataille de France qui représente l'invasion du Troisième Reich aux Pays-Bas, en Belgique, au Luxembourg et en France durant la Seconde Guerre mondiale, l’artiste s’engage dans les services secrets de la France libre le 24 novembre 1940. Ses missions se feront en France et en Afrique du Nord, dont au Maroc où elle s’installe de 1941 à 1944 pour soutenir les troupes alliées et américaines. Elle est aussi connu pour ses fameux messages dissimulés à travers des partitions de musique. Pour sa première mission qui s’est effectuée à Lisbonne par exemple, elle a trouvé un microfilm détenant une liste d’espions nazis qu’elle remit aux mains de la Grande-Bretagne.


Engagée dans la Guerre d’Algérie dans les Forces aériennes françaises libres, elle obtient un brevet de pilote et devient vice-lieutenante. Elle travaille avec le général de Gaulle dans les bureaux du lycée de jeunes filles Eugène-Fromentin.



Au nom de la fraternité universelle, elle a fondé ce qu’elle a appelé sa ‘’tribu arc-en-ciel’’, en adoptant des enfants de différentes origines. « Ça ne sert à rien d’adopter des enfants de toutes les couleurs et de les garder pour soi ! Il faut les montrer, que les gens voient que c’est faisable, que des enfants de races différentes, élevés ensemble, comme des frères, n’ont pas d’animosité, que la haine raciale n’est pas naturelle. C’est une invention des hommes. »


L’artiste était l’une des premières représentantes de la haute couture française. La France s’étant appauvrie avec la Seconde Guerre mondiale, elle n’avait donc pas de quoi promouvoir ce domaine. Lors de ses spectacles, Joséphine Baker a porté des vêtements Dior et Balmain avec qui elle était amie, pour en faire la promotion.


Dans les années 1960, elle se dresse face à l'apartheid en Afrique du Sud. En 1963, elle supporte le mouvement américain des droits civiques du pasteur Martin Luther King et marche à ses côtés à Washington pour l’emploi et la liberté. Enfin, elle s’engage dans la Ligue internationale contre l'antisémitisme, sensible au racisme qui touche les populations juives et son mari Jean Lion.



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