Catherine de Saint Phalle est née en 1930 à Neuilly-sur-Seine et a grandi à New York. Issue de la famille française de noblesse d’extraction de son père de Saint Phalle et d’une mère américaine, elle eut la double nationalité française-américaine. Renommée Niki par sa mère à ses 4 ans, elle commence sa carrière en tant que mannequin pour Vogue, Life et Elle avant de s’adonner à l’art de façon totalement autodidacte. N’ayant pas suivi de formation académique, Niki s’inspire de ses contemporains (Antoni Gaudi, Jackson Pollock…) et se nourrit de divers mouvements. A 18 ans, elle se marie avec le poète Harry Mathews. Encouragée par le peintre franco-américain Hugh Weiss, c’est à l’âge de 22 ans qu’elle débute la peinture, faisant partie du courant Nouveau Réalisme, aux côtés de Yves Klein, Gérard Deschamps et bien d’autres.
En 1953, l’artiste intègre un hôpital psychiatrique en raison d’importantes dépressions nerveuses. Les électrochocs qu’elle subit ont affecté sa mémoire. « J'ai commencé à peindre chez les fous… J'y ai découvert l'univers sombre de la folie et sa guérison, j'y ai appris à traduire en peinture mes sentiments, les peurs, la violence, l'espoir et la joie. »
Vers 1955, Niki découvre les Jardins de Gaudi avec son mari, lors d’un voyage en Espagne. Elle s’en inspirera pour ses propres créations. Le 20 juin 1960, elle participe à une performance collective à l’ambassade des Etats-Unis à Paris, rendant hommage au peintre, dessinateur et graveur américain Jasper Johns. Les Tirs, était le titre de cette performance qui consistait à tirer à la carabine sur des poches de peintures afin d’éclabousser de couleurs des tableaux-assemblages. C’est comme si elle avait
tirer sur les problèmes de la société et l’injustice. Cet événement a contribué à rendre célèbre l’artiste à l’international à partir de 1961. Cette même année, Mathews et Saint Phalle divorcent. De juillet à septembre, Niki participe au Festival des Nouveaux Réalistes d’abord à Nice puis à Paris. Elle crée des ex-voto (objets religieux) et ses Nanas, des sculptures géantes et colorées de
femmes fait avec de la résine et du papier collé. Libérées du mariage et du masochisme, ses femmes sont « elles-mêmes, elles n’ont pas besoin de mecs, elles sont libres, elles sont joyeuses. » A cette période, elle passe souvent à la télévision et Catherine Gonnard, essayiste et journaliste française, spécialiste de la littérature, de l’histoire des femmes et du lesbianisme, la considère comme la leadeuse de l’avant-garde. Cependant, les discours misogynes, les commentaires et la présentation enferment Saint Phalle et la caractérise telle une « célébrité » plutôt que comme une artiste et les critiques d’art ne présentent que son travail avec son mari Tinguely et ne lui accordent que très peu de places dans les livres d’art. Ce n’est que lors de ses rétrospectives dans les années 2000, qu’on reconnaitra Niki de Saint Phalle comme une véritable artiste à elle-seule. On la classera au rang des plus grands sculpteurs et on la nommera première « femme-sculpteur » car le terme sculptrice n’est pas encore accepté à son époque.
Elle réussira « à envahir, la fleur au fusil, un espace public réservé aux hommes artistes et architectes […], avec ses Tirs, il lui aura fallu le soutien d'hommes féministes comme Jean Tinguely ou Ponthus Hultén pour s'aventurer dans le domaine de la sculpture publique à une époque où seule Barbara Hepworth s'était lancée sans être ni féminine, ni féministe. Or ce sont ces deux attributs qui caractérisent la véritable innovation de Niki de Saint Phalle dans l'histoire de l'art. »
Dès les années 1970, Niki développe une insuffisance respiratoire due aux poussières des polyesters qu'elle utilisait pour ses sculptures. Ces particules ont atteint ses poumons. En 1971, Saint Phalle se marie avec le sculpteur, peintre et dessinateur Jean Tinguely, avec qui elle restera jusqu’à la mort de celui-ci. D’après les dire de sa petite-fille, Niki et Jean ont souvent discuté ensemble de leur mort respective : « Ils reformulaient sans cesse leurs testaments, ainsi que les détails des devoirs dont serait chargé celui qui survivrait à l'autre. Malgré la santé fragile de Niki, Jean aimait à dire : “Elle nous enterrera tous”, ajoutant que sa propre œuvre disparaîtrait avec lui. Cette boutade, et le fait qu'il ait disparu avant elle, Niki l'a pris comme un défi : elle s'est battue contre tous pour que le musée Tinguely existe. » Ensemble, Niki et Jean vont réaliser de nombreuses sculptures-architectures pour des commandes ou pour leur propre plaisir.
Les créations tardives de l’artiste sont la Fontaine Stravinsky, avec Tinguely à Paris qui se trouve entre le centre Pompidou et l'église Saint-Merri, le Jardin des Tarots à Capalbio en Toscane, et les Tableaux éclatés. Sa dernière œuvre monumentale est le Queen Califia's Magical Circle, un parc fait de sculptures en Californie.
En 1973, Niki de Saint Phalle co-réalise le film Daddy avec Peter Whitehead. On apprendra bien plus tard qu’il s’agit d’une autobiographie de l’artiste elle-même. En 1976, c’est Un rêve plus long que la nuit qu’elle réalise, un film fantaisiste sur les thèmes de l’inceste, de la féminité et de la liberté.
A partir des années 1980, Saint Phalle souffre de polyarthrite rhumatoïde, une maladie dégénérative inflammatoire chronique qui déforme et détruit ses articulations. En 1987, François Mitterrand commande à Saint Phalle la Fontaine de Château Chinon. En mars 1987, Jack Lang alors député en France, nomme l’artiste « Chevalier de la Légion d'honneur », mais celle-ci refuse la décoration.
En 1990, Saint Phalle collabore avec Philip Mathews et Vanves, une Agence française de lutte contre le sida. Elle écrit dans ce cadre Le sida, tu ne l'attraperas pas… . En 1992, Niki réalise et expose L'Arbre aux serpents dans la cour du musée des Beaux-Arts d'Angers.
L’artiste révèlera en 1994, à 64 ans, dans son livre Mon secret, un épisode traumatisant qu’elle cacha presque toute sa vie, c’est celui du viol de son père à ses 11 ans. Il trouva donc dans l’art une forme de thérapie qui l’aida à vivre et à se transcender. « J’ai eu la chance de rencontrer l’art parce que j’avais, sur le plan psychique, tout ce qu’il faut pour devenir terroriste. Au lieu de cela j’ai utilisé le fusil pour la bonne cause, celle de l’art. »
Cette même année, pour des raisons de santé, elle s’installe avec son atelier à La Jolla, en Californie, et crée un grand nombre de sculptures. En 1996, l’artiste rend hommage à son mari décédé en inaugurant le Musée Tinguely construit par l’architecte Mario Botta à Bâle en Suisse. Elle fit don de cinquante-cinq sculptures de Jean, de sa propre Nana Gwendolyn et aussi de Hon une Nana géante habitable de 6 tonnes et de 23 mètres de long qui par la suite sera détruite.
Jusqu’en 1998, Niki réalisa un grand nombre de sculptures-animales qu’elle appela L’Arche de Noé. Le 17 novembre 2000, on la nomme « Citoyenne d'honneur de la Ville d'Hanovre » en Allemagne et couvre le Musée Sprengel d’une donation de 300 de ses œuvres. Elle reçoit également le Praemium Imperiale, section sculpture, un prix considéré comme équivalent au Prix Nobel, attribué depuis 1989 par la famille impériale du Japon au nom de l'Association japonaise des beaux-arts.
Elle demeura à La Jolla jusqu'à sa mort le 21 mai 2002 à l'hôpital de San Diego, des suites de son insuffisance respiratoire chronique. L’artiste laisse derrière elle des créations monumentales et singulières. Durant sa carrière d’artiste, elle s’est engagée pour plusieurs causes. Elle a soutenu les Noirs américains avec Marcelo Zitelli et Lech Juretko en dénonçant les violences qui leur sont faites et en installant dans l’espace public des sculptures qu’elle a réalisée de Miles Davis, Louis Armstrong, Joséphine Baker ou encore Michael Jordan. Elle s’est battue contre le patriarcat et s’est mobilisée auprès des personnes atteintes du sida à travers l'association AIDES dont elle réalisera un film avec son fils. Niki rentra dans le marché de l’art grâce à Alexandre Iolas, un galeriste d’art et collectionneur d’œuvres modernes qui lui apporte un soutien actif en parlant d’elle a d’autres collectionneurs d’art jusqu’à sa mort et qui a en sa possession une galerie d’art à New York et une autre à Paris. Epaulée par Edward Kienholz, artiste américain du pop art, elle est avec Joan Mitchell, artiste peintre et graveuse américaine, la seule femme a être exposée dans la Virginia Dwan Gallery, réservée normalement aux hommes et qui suit le milieu artistique californien.
De son vivant et après sa mort Niki de Saint Phalle inspire toute une génération d’artistes et livre une œuvre profondément féministe et engagée. Elle a même créé son association The Niki Charitable Art Foundation qui a fait de très généreux dons à des musées comprenant au total 500 sculptures et 500 œuvres d’arts graphiques. A la mort de l’artiste, la fondation a prêté des œuvres supplémentaires du couple Saint Phalle-Tinguely. Aujourd’hui, elle promeut et rend accessible la compréhension de l’œuvre de l’artiste dans le monde entier.
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Ne rate pas l’exposition de Niki de Saint Phalle au Musée des Abattoirs de Toulouse ! Elle termine le 5 mars 2023. Les premiers dimanches de chaque mois la visite est gratuite pour tous ! Pour plus d’info, tu peux consulter la publication que j’ai faite et qui est disponible sur Instagram.
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